GRETA, DIS-MOI QUE TU M'AIMES

Avec ses lois progressistes dans les années 60, la Suäde était baptisée la terre promise de l'érotisme. Aujourd'hui les Suédois découvrent une réalité beaucoup moins séduisante

Par Robert Sarner, Le Monde, le 4 avril, 1981

STOCKHOLM - Le cocktail s'annonce bien. Trop bien. Les mots semblent se conjuguer d'une faáon si naturelle. Comme le beurre sur du pain croustillant. «Sexe en Suäde ». Äa tombe des lävres avec plaisir. Pas besoin d'en dire davantage. Il suffit de dire ces trois petits mots à qui ne connaåt pas ce pays nordique pour découvrir à quel point cette association entre le sexe et la Suäde a bien fait son nid dans la conscience universelle. Une sorte d'image de marque. Hélas, si le reste du monde pare la Suäde de toutes les mythologies, les Suédois, eux, sont confrontés à une réalité beaucoup moins séduisante.

Dans les années 60, en pleine révolution sexuelle, le monde a conféré à la Suäde une sorte de halo de gloire charnelle. Une mythologie est née, pourvue de stéréotypes bien tenaces : la Suäde venait d'àtre baptisée terre promise de l'érotisme.

Un paradis sexuel peuplé par des Vikings modernes, gouvernés par les seules lois du plaisir. Pays oó les écoliers passent la moitié de leur temps à apprendre le savoir-faire des meilleurs amants. Siäge social de la révolution sexuelle oó l'amour est gratuit, oó des supermarchés érotiques vous font signe à chaque coin de rue, oó les journées sont courtes et les nuits - lire les orgies - sont longues et la débauche toujours au menu du jour. Bref, un Eden plein de péchés joyeux. Face à cette image irrésistible, on ne cherche pas trop à savoir oó s'arràte l'illusion et oó commence la réalité.

Une chose est certaine : la Suäde n'est pas un pays comme les autres pour tout ce qui concerne la sexualité. Depuis vingt ans, la Suäde est une sorte de laboratoire public d'expériences sociales. Pas étonnant, donc, que la sexualité ait subi le màme processus de libéralisation. Il est douteux qu'il existe d'autres pays ayant fait plus que la Suäde pour essayer de créer un climat plus libre, plus sain, plus ouvert et égalitaire, moins culpabilisant et réprimant vis-à-vis des relations sexuelles. Il s'agissait de bouleverser les habitudes sexuelles de toute une société. Un défi énorme et compliqué.

Depuis quinze ans, à une allure infernale, le Riksdag (Parlement suédois) à Stockholm a aboli toutes les anciennes lois jugées répressives et en a crée d'autres pour sauvegarder la liberté sexuelle de plus de 8 millions de Suédois. Du moins officiellement. Mais les lois, les gens, les attitudes, les pratiques sexuelles ne changent pas à la màme vitesse. Aujourd'hui, devant le vent de conservatisme qui souffle sur tout l'Occident, màme la Suäde, pays permissif par excellence, se sent sérieusement troublée par le murmure d'une tradition qui y trouve de plus en plus d'échos.

« Il semble que de nouveau le débat soit relancé, dit Rita Liljestrom, une sociologue bien connue en Suäde pour avoir fait sensation par ses recherches sur la sexualité. Jusqu'à une période récente, une sorte de tabou nous interdisait de dire quoi que ce soit qui ait pu semer le doute à propos de la sexualité. Mais nous avons de sérieux problämes et tout pourrait aller beaucoup mieux. Aujourd'hui, il y a un niveau différent de conscience, une nouvelle moralité. Nous sentons que nous avons fait des progräs mais aussi que nous avons régressé. »

Certainement, ce qui a été obtenu grÉce aux revendications des années 60, c'est une société oó la morale sexuelle n'est plus imposée par l'Etat. Par exemple, depuis 1970, il n'y a pas de censure en Suäde (sauf dans le cas de la pornographie d'enfants). Tout autre pornographie - ainsi que l'homosexualité et la prostitution - est complätement autorisée. L'avortement est gratuit pour chaque femme qui le demande. De 7 à 16 ans, les jeunes suivent des cours sur la sexualité et les relations humaines. Les moyens de contraception sont à la portée de tous et on peut se les procurer gratuitement (sauf la pilule qui est payante) dans les nombreuses cliniques du pays. La loi protäge les enfants contre les abus des parents et il existe d'autres lois sur légalité des sexes ou qui assurent les màmes droits aux couples non mariés et aux couples légitimes.

Trop vite, trop loin

Màme si presque tout le monde est d'accord sur le fait que toutes ces innovations renforcent la liberté individuelle et l'égalité - deux principes chers à la tradition suédoise - il n'empàche que certains Suédois commencent à se demander si leur société n'est pas allée trop vite et trop loin. Une certaine désillusion s'installe dans les esprits.

« Dans les années 60, tout était plus simple, explique Rita Liljestrom, 51 ans, au milieu de ses livres dans son bureau à l'université de Got_borg, la deuxiäme ville du pays. Nous combattions alors l'obscurantisme, le traditionalisme de l'Eglise, de la famille, de la morale et des institutions. A cette époque, la sexualité passait pour la clé d'une société politique différente.

« Aujourd'hui on commence à se poser des questions : « Pourquoi me suis-je perdu moi-màme ? Essayais-je simplement de vivre selon des normes nouvelles de progräs ? S'agissait-il de faire l'amour ou d'autre chose ? » Nous vivions dans une ambiance oó nous devions réussir sexuellement. Vous ne deviez pas nécessairement aller au lit avec tout le monde mais vous vous deviez de coucher avec quelqu'un. Vous n'étiez pas normal si vous n'aviez pas un comportement sexuel. Le sexe était devenu synonyme de vie moderne. »

Il y a dix ans, comme la plupart des Suédois à l'époque, Rita Liljestrom était optimiste. Elle a cru que le mouvement de libéralisation arracherait les gens à leurs contraintes et aiderait au rapprochement des hommes et des femmes. Mais le résultat, se lamente-t-elle, est tout le contraire. Elle appelle la révolution sexuelle une pseudo-libération qui, finalement, a séparé davantage les hommes et les femmes. Au lieu de relations plus harmonieuses entre les sexes, elle dénonce cette « guerre érotique » dans laquelle des « invalides sexuels » s'affrontent dans des jeux d' « oneupmanship » (art de faire mieux que l'autre) et de « communication double ». Le tout pour se protéger contre toute menace du mal, contre toute vulnérabilité.

Liljestrom admet que son analyse est beaucoup plus sombre depuis qu'elle a terminé son rapport devant la commission d'Etat sur le viol et plus récemment sur la prostitution. « La libéralisation sexuelle en Suäde semble aujourd'hui avoir été si naãve, dit-elle. Nous avons ouvert la voie à de nombreux soucis. C'est seulement depuis ma récente étude que j'ai compris qu'il y avait autant d'antagonismes, de frustrations et de rapports de force entre les hommes et les femmes. »

Cette tension, selon plusieurs experts, contribue au développement de la violence sexuelle. L'année derniäre, on estime qu'il y avait plus de 300, 000 femmes battues en Suäde, dont une cinquantaine sont mortes. Entre 1960 et 1978, le nombre de cas de viols dénoncés à la police est passé de 512 à 851. Dans les films et magazines pornographiques, la violence est devenue de plus en plus courante.

Faire l'amour comme dans le journal

Dans les années 60, Hans Nestius était l'un des militants les plus actifs contre la censure et pour la légalisation de l'avortement. Aujourd'hui il a 44 ans et il est le président de la RFSU (Ligue nationale pour l'information sexuelle), une grande organisation indépendante qui dispose de plusieurs bureaux et cliniques.

« L'ancienne loi anti-pornographique symbolisait toute la pudibonderie, la double moralité, l'étroitesse de jugement et la répression sexuelle de la société suédoise, a-t-il explique au journal Aftonbladet dans une récente interview. « Ce que nous voulions, c'était d'ouvrir les portes et laisser entrer un peu d'air, un peu de lumiäre. A cette époque, je pensais que la liberté encouragerait des écrivains et des artistes sérieux à nous offrir des _uvres érotiques plus libres, plus toniques qui auraient démystifié le sexe. Nous nous attendions à une grosse vague de pornographie au début mais qui se serait calmée par la suite. »

Comme prévu, une troupe d'opportunistes a profité du vote de la loi en 1970 et ils ont vite occupé le créneau. Mais contrairement aux prévisions de Nestius et des autres, leur succäs n'était pas éphémäre. Aujourd'hui, dix ans plus tard, le marché pornographique est plus florissant que jamais. Pour sa part, Nestius a révisé ses jugements sur la pornographie. Il la condamne tout autant que la prostitution et le viol qui semblent liés puisqu'il s'agit d'acheter ou de manipuler les femmes.

Non moins grave à ses yeux est l'effet des magazines sexuels destinés aux hommes. Il les accuse de distiller une sexualité mécanique et dépersonnalisée. « Certains magazines rivalisent dans leur présentation du sexe, de la violence, de la pornographie enfantine et màme animale, dit-il. Ils freinent en réalité la dénonciation des rìles sexuels traditionnels. Ils vous présentent des surhommes capables de faire l'amour autant de fois qu'ils le veulent avec des femmes toujours pràtes à écarter les cuisses. Ils montrent des étreintes brutales qui ne nécessitent ni préparation ni véritable relation. Tous ces mensonges qui traånent dans cette littérature ont pour effet que les jeunes ont des attentes träs étranges quand ils finissent par se rencontrer; c'est une cause de tension et là, nous retrouvons l'une des motivations les plus sérieuse de l'alcoolisme chez les jeunes. On droit boire de l'alcool pour oser parler à l'autre. L'alcool et le sexe vont ensemble en Suäde alors qu'ils ne le devraient pas. En fait, je pense que dans ce pays, il doit y avoir träs peu de relations sexuelle oó les deux partenaires soient complätement à jeun. »

Nestius exagäre évidemment mais il touche du doigt un probläme inquiétant : l'alcoolisme - surtout parmi les jeunes - en Suäde oó, selon les estimations du Ministäre de la Santé et des Affaires Sociales, sur une population de 8,3 millions, on compte 300,000 alcooliques. Autre fissure dans cette société soi-disant modèle...

La rue des solitudes

Le Dr. Dag Notini est en contact permanent avec des jeunes. Surtout ceux qui ont besoin d'aide. Assistant social au Youth Consulting Bureau à Stockholm, il dirige aussi une rubrique dans un hebdomadaire bien connu en Suäde, dans lequel il répond aux questions sexuelles.

« Ce dont les gens - spécialement les jeunes - se plaignent le plus, c'est la solitude, dit Notini. Il y a un profond besoin de communication, de relation. Pourtant, ils montrent encore une grande pudeur. Si vous interrogez des jeunes sur leur vie sexuelle, vous les trouverez beaucoup plus réservés, beaucoup moins libres que ne le pensent les adultes. »

Il décrit le climat social d'aujourd'hui passif: apathique, träs différent du climat d'il y a dix ans, plus ouvert, plus riche. C'est pour lui à la fois la cause et l'effet du malaise actuel. Il y a dix ans, le « radicalisme » sexuel faisait partie d'un mouvement politique plus vaste. « A cette époque, les jeunes croyaient plus au changement. Ils se voyaient plus libres qu'ils ne le sont devenus. »

Dans les années 50 et 60, la Suäde a connu une croissance économique spectaculaire. Tandis que les citoyens en profitaient pour améliorer leur niveau de vie, la société se transformait en Etat hyper-moderne, hyper-fonctionnel et hyper-réaliste. Plus de fantasmes humains. Surtout dans les villes, l'Éme locale se cachait dans l'anonymat. Vertige luxueux.

« Plus une société se commercialise, dit Notini en pensant à la Suäde, plus on cherche son identité en achetant, en possédant, en consommant des biens matériels. Ce qui a des conséquences irréversibles sur les attitudes sexuelles et le comportement. » Comme se manifestent la commercialisation et la dépersonnalisation des relations sexuelles dans - et par - la pornographie.

C'est la faute aux socialistes

Dans un tel environnement, quelles sont les chances d'épanouissement sexuel ? Stockholm offre à l'étranger un spectacle träs révélateur. Non par ce qu'on y trouve mais plutìt à cause de ce qu'on n'y trouve pas. Sa discrétion, sa froideur étonnent. Toute excitation semble éteinte. Dans la rue, les magasins, les restaurants, les gens montrent une pudeur qui ne s'explique pas par la seule politesse. Les gens qui se connaissent paraissent n'avoir aucune communication affective. Ceux qui ne se connaissent pas n'osent pas établir le contact, màme des yeux. On fuit la séduction amoureuse à tout prix. La passion reste invisible et le corps se protäge dans des habits trop larges. L'indifférence et une ambiance asexuée dominent le spectacle de la rue. Entracte en permanence. Une réputation qui plie sous le poids de la réalité. Loin de ce qui existe dans la plupart des autres capitales d'Europe, le quartier des prostituées à Stockholm est petit, modeste, presque inexistant. Mais que se passe-t-il derriäre le huis clos ?

« Ce que me surprend, me dit une journaliste suédoise qui a vécu à l'extérieur de la Scandinavie et qui profite donc d'un double regard, c'est que tout compte fait, notre société ne soit pas plus mauvaise. Le vrai probläme, c'est d'analyser notre systäme et ses effets sur la sexualité. Aucun doute : les Suédois sont réservés, émotionnellement choqués, refroidis en quelque sorte. Mais les Suédois ne sont pas nés ainsi et ce n'est pas seulement dñ au climat nordique. »

Si l'Etat, paternaliste, parvient à résoudre pas mal de problämes, il est évident qu'il en provoque d'autres. Jugée comme le meilleur des deux mondes - capitaliste et socialiste - cette société cocon « du berceau jusqu'à la tombe » prend du ventre. L'écrivain Sven Fagerberg a écrit des romans oó il explore le mal suédois. Selon lui, malgré tout le progräs matériel, la Suäde manque de joie de vivre. Il pense aussi que les 40 années de gouvernement social-démocrate (de 1920 à 1976, sauf un intermäde dans les années 30) en sont la principale cause. A cause d'elles, la Suäde est trop centralisée, trop bureaucratisée. La conformité et l'uniformité ont tué le désir. Tuées les impulsions créatives, mortes l'individualité, la responsabilité individuelle.

Laissez vos complexes au vestiaire

Il faut reconnaåtre que de tels propos ne s'appliquent pas exclusivement à la Suäde. Aujourd'hui, la plupart des sociétés industrialisées semblent, elles aussi, montrer des signes de détresse. Néanmoins, les symptìmes en Suäde semblent plus aigus, plus urgents.

Ainsi les statistiques réunies par le Laboratory for Clinical Stress Research à Stockholm : un enfant de 4 ans sur trois en Suäde a des problämes « mentaux » qui se manifestent par incontinence, agressivité et peurs nocturnes. Un adulte sur deux souffre de malaises, troubles du sommeil, fatigue, abattement ou angoisse. Une personne sur sept qui travaillent est mentalement épuisée à la fin de sa journée. Un homme sur deux et trois femmes sur quatre souffriront de troubles mentaux avant l'Ége de 60 ans. Un homme sur dix a un probläme d'alcool. Presque 2,000 personnes se suicident chaque année et 20,000 tentent de la faire (certes un taux effrayent mais, contrairement à une légende tenace, la Suäde n'est pas en tàte de ce hit-parade suicidaire : les derniers chiffres ne la placent qu'au septiäme rang). Avec 99,7 malades mentaux pour 1,000 habitants, les Suédois sont quand màme les gens les plus déséquilibrés du monde.

De tels chiffres ne surprennent pas Maj-Briht Bergstrom-Walan, une psychologue de formation qui dirige depuis 1970 l'Institut suédois pour la recherche sexuelle à Stockholm. Le mal dont souffre la société suédoise se lit sur son agenda. Complet chaque semaine, avec des rendez-vous pris longtemps à l'avance par des blessés - blasés? - sexuels. Moitié hommes, moitié femmes de tout Ége à partir de 18 ans mais, dans deux cas sur trois, plutìt des individus que des couples. On alläge son portefeuille de 200 couronnes la séance pour réapprendre à communiquer et à découvrir son corps et ses plaisirs.

En arrivant à son bureau au centre de Stockholm, elle insiste pour que vous laissiez vos chaussures à la porte pour chausser des pantoufles. « Avant de venir me voir, explique Mme Bergstrom-Walan, de nombreuses personnes ont essayé d'acheter de quoi remplir leur temps de loisir sans avoir à affronter leur probläme sexuel. Jusqu'au jour oó elles ont tout ce qui est possible et oó finalement, elles doivent se parler. Aussi inexpérimentés pour se parler l'un à autre, les gens viennent ici pour essayer de communiquer. »

Et puis, il y a la télé

Amie - et ancienne étudiante - de Masters et Johnson, les sexologues américains, elle raconte que les Suédois ont une conception träs technique de la sexualité. « Nous semblons plus curieux de savoir comment le corps est fait, quel moyen contraceptif utiliser ou quelle position choisir, dit-elle. Bien sñr, cette information clinique est utile mais nous avons bien plus besoin d'apprendre un langage érotique, des mots et des gestes. »

Le probläme qu'elle rencontre le plus souvent est celui de gens qui ont perdu le désir sexuel. « Pour eux, explique-t-elle, le sexe a perdu son importance : il n'est plus une priorité. Cet était est plus répandu que l'on ne croit. C'est le signe d'une dépression à la fois économique et émotionnelle. »

Pour Bergstrom-Walan, la force la plus insidieuse qui sabote l'amour, c'est la télévision (la Suäde, avec 348 postes pour 1,000 habitants, a le taux le plus forte d'Europe). « Aujourd'hui nous recevons trop d'images du monde dans chacune de nos maisons, dit-elle, presque en coläre. Nous nous anéantissons dans la télévision, nous sommes repus des tragédies du monde au lieu de pràter un peu d'attention à la personne qui vit avec nous. La télévision est devenue l'élément le plus important de notre mobilier - bien plus que le lit. Les gens communiquent moins et màme quand il leur arrive de le faire, c'est souvent devant leur téléviseur. »

Si le bilan général est décidément träs sombre, il reste quand màme quelques lueurs plus claires. Le nombre d'avortements parmi les femmes de moins de 35 ans est en baisse depuis trois ans. La contraception se pratique de plus en plus réguliärement. Chaque année depuis 1975, le nombre de grossesses des träs jeunes filles (13 à 19 ans) a décru réguliärement. Le nombre des blennorragies en 1978 représente presque la moitié de celui de 1970. En plus, depuis 1977, l'éducation sexuelle des jeunes dépasse l'aspect strictement biologique pour envisager le probläme plus général des relations humaines.

Selon Renée Herschfeld-Bad, 31 ans, psychologue dans une clinique destinée aux jeunes à Stockholm, la situation n'est pas sans espoir. « En général, je dirais que la sexualité est plus développée chez les jeunes d'aujourd'hui qu'elle ne l'était dans ma génération, dit-elle. Ils commencent plus tìt et ils en savent plus. On leur a appris à mieux communiquer. »

Pourtant, son optimisme reste mesuré. Elle trouve que parmi nombre d'entre eux, une certaine ignorance vis-à-vis du corps persiste et que la double moralité (c'est bon pour les garáons mais pas pour les filles) se montre plus tenace qu'on ne s'y attendait.

Il est clair que la fameuse révolution sexuelle s'est détournée quelque part de ses objectifs. D'oó des attentes inassouvies, des illusions persistantes, alors qu'à l'époque, on a pu croire que tout semblait au contraire possible. Le retour aux réalités est séväre. Lourd comme les films d'Ingmar Bergman. C'est tout à la fois le débat et le défi permanent de la Suäde. Le débat qui, à travers la « guerre » des hommes et des femmes, conduit profondément aux ténäbres de la condition humaine. Le défi qui est d'essayer d'en sortir.

Ironie cruelle : jamais, dans ce pays, les hommes et les femmes n'ont eu plus besoin d'amour, de plaisir, de tendresse, de chaleur. Et jamais le climat suédois n'a paru plus inhospitalier.

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